Agrobusiness au Sénégal : Pourquoi les promesses de Faye et Sonko peinent à convaincre ?
Au cœur de l’enquête
En juillet 2023, l’opinion publique ghanéenne découvre qu’une somme colossale en devises et en cedis ghanéens a été volée au domicile de Cecilia Abena Dapaah, alors ministre de l’Assainissement et des Ressources en eau. L’épisode, d’abord un dossier de « vol domestique », devient une affaire d’État : origine des fonds, soupçons de blanchiment, fonctionnement des organes anticorruption et perception de l’élite sont désormais en jeu.
Les faits établis
Le 22 juillet 2023, Mme Dapaah démissionne. Dans sa lettre, elle déclare : « Je ne veux pas que cette affaire devienne une préoccupation du gouvernement », tout en affirmant qu’elle sera « sans aucun doute » blanchie. Deux jours plus tard, l’Office of the Special Prosecutor (OSP) l’arrête pour interrogatoire et perquisitionne ses résidences. Les enquêteurs annoncent avoir saisi 590 000 dollars et 2,73 millions de cedis en liquide, en plus des sommes initialement évoquées au tribunal (1 million de dollars, 300 000 euros et des millions de cedis signalés comme volés). S’ensuit une bataille procédurale : gel de comptes et d’investissements, puis décision de la Haute Cour d’Accra (31 août 2023) ordonnant la restitution des fonds saisis et la levée des gels, avant de nouveaux gels/re-saisies justifiés par l’OSP comme nécessaires à l’enquête.
En 2024, l’OSP clôt l’angle « corruption » stricto sensu et renvoie le dossier à l’Economic and Organised Crime Office (EOCO) pour d’éventuels délits de blanchiment et de « structuring ». En mai 2024, saisi pour avis, l’Attorney-General (AG) estime qu’« il n’y a pas de base » pour ouvrir une enquête en blanchiment au vu du dossier transmis ; EOCO retourne alors le dossier. En parallèle, cinq personnalités saisissent la CHRAJ (Commission on Human Rights and Administrative Justice) pour demander un examen patrimonial de l’ex-ministre au titre de « richesse disproportionnée ». En 2025, l’OSP publie son rapport semestriel : « aucune preuve directe et immédiate de corruption » n’a été établie sur les fonds saisis et comptes gelés, mais des « indications fortes » de blanchiment relèvent du mandat d’EOCO ; sous une nouvelle direction, EOCO rouvre finalement l’examen du dossier.
Zones d’ombre et cohérence des explications
Les pièces de procédure et communiqués révèlent des versions fluctuantes sur l’origine de certains montants. Selon l’exposé initial à la police : 800 000 dollars appartiendraient à un frère décédé et 300 000 cedis seraient une cagnotte funéraire ; restent néanmoins 200 000 dollars et 300 000 euros dont la justification n’apparaît pas clairement. Au-delà de la querelle d’exactitude des chiffres, le cœur du doute tient à la tenue en espèces de sommes très élevées dans un pays où l’informalité et la faible bancarisation coexistent avec une réglementation anti-blanchiment en renforcement. Les défenseurs de Mme Dapaah plaident des économies familiales, des dons ou legs ; ses détracteurs y voient un symptôme d’enrichissement inexpliqué.
Le jeu des institutions et la faille juridique
L’OSP, créé en 2018 comme bras armé anticorruption, a poussé l’enquête à la frontière de sa compétence : faute d’éléments de corruption « directs et immédiats », il a renvoyé l’hypothèse blanchiment à EOCO. Or, le droit ghanéen traite le blanchiment comme infraction « collatérale » : il faut, en principe, un délit sous-jacent (predicate offense) pour fonder l’enquête, typiquement une infraction économique ou de corruption. C’est précisément là que l’AG a estimé que le renvoi de l’OSP « manquait de base » : sans infraction primaire clairement établie, EOCO ne pouvait juridiquement prospérer. Ce ping-pong institutionnel a brouillé la lisibilité du dossier, tout en révélant une tension structurelle : comment traiter l’« inexpliqué » lorsqu’il ne se laisse pas aisément rabattre sur une infraction source ?
Mise en contexte : richesse inexpliquée et confiance publique
L’affaire éclate sur fond de crise économique, d’accord avec le FMI et d’inflation sous tension ; elle ravive la perception d’une élite déconnectée. Dans l’indice 2024 de Transparency International, le Ghana obtient 42/100 et chute au 80e rang, confirmant une stagnation de plusieurs années. Le Center for Democratic Development (CDD-Ghana) résume la tendance : pas de progrès notable, signe d’un « écart d’exécution » persistant entre normes et application. Dans ce contexte, le symbole de valises de cash chez une ministre, même sans preuve de corruption formelle, a un effet politique et sociétal majeur : il entretient l’idée d’un « deux poids, deux mesures » et d’une économie politique où les circuits informels de rente prospèrent.
Les acteurs et leurs stratégies
Cecilia Dapaah a opté très tôt pour la démission, posture de « déconflagration » politique, en promettant de coopérer et en contestant l’exactitude des chiffres médiatisés.
L’OSP a revendiqué une approche « evidence-based », retenant un standard exigeant (« no direct and immediate evidence ») et plaidant une réforme de l’arsenal (style : audits de train de vie, récupération civile des avoirs sans condamnation, renversement de la charge de la preuve pour l’inexpliqué).
L’AG a campé une lecture stricte du droit positif, rappelant les bornes procédurales d’EOCO et le besoin d’un ancrage pénal primaire.
EOCO a d’abord temporisé, puis rouvert le dossier en 2025 sous nouvelle direction, signe que la piste blanchiment n’est pas juridiquement morte.
La CHRAJ, saisie par pétition, incarne l’autre vecteur : l’enrichissement injustifié au regard des obligations de déclaration d’intérêts et d’avoirs (Act 550) et du principe constitutionnel de probité. Cette voie, quasi-administrative, peut prospérer même en l’absence de condamnation pénale.
Enjeux pour les citoyens et les institutions
Trois risques se dessinent. D’abord, un risque de défiance : lorsque la justice « renvoie la balle » d’une institution à l’autre, la perception d’impunité s’installe. Ensuite, un risque d’impasse juridique : si le blanchiment exige un délit sous-jacent introuvable, l’« inexpliqué » reste hors de portée, alors même qu’il heurte le bon sens. Enfin, un risque de signal normatif : dans une économie où la liquidité circulante hors banque est élevée, l’absence de cadre clair sur les plafonds de détention d’espèces par des responsables publics alimente l’ambiguïté.
Que disent les données et le droit ?
L’Act 550 oblige les hauts responsables à déclarer actifs et passifs à l’Auditor-General au début et à la fin de mandat, puis périodiquement. Mais l’effectivité – contrôle ex ante, vérification indépendante, sanctions dissuasives – demeure lacunaire. Le même constat vaut pour la traçabilité des flux : l’OSP a indiqué avoir mené une enquête transfrontière avec le FBI lorsque des transferts en provenance des États-Unis ont été évoqués, sans identifier de preuve « directe et immédiate » de corruption. Ce point met en lumière le décalage entre capacités d’enquête et sophistication des montages patrimoniaux.
Conséquences et pistes de réforme
L’affaire Dapaah est moins un cas isolé qu’un stress test de l’architecture anticorruption ghanéenne. Trois leviers ressortent des débats : (1) vérification renforcée et ciblée des déclarations d’avoirs (audit de style de vie, recoupement bancaire/fiscal, contrôle des proches et prête-noms) ; (2) outils civils de récupération d’avoirs fondés sur l’inexpliqué, sous contrôle du juge, pour ne pas dépendre exclusivement d’une condamnation pénale ; (3) coordination clarifiée OSP–EOCO–CHRAJ–Police, assortie de protocoles de partage d’information et de délais de traitement. De telles mesures visent moins à « faire un exemple » qu’à rendre prévisible la réponse institutionnelle – quel que soit le statut de la personne mise en cause.
Conclusion
À ce stade, la justice n’a pas établi de corruption « directe et immédiate » à l’encontre de Cecilia Dapaah. Mais l’origine d’une partie des fonds en espèces demeure sans explication convaincante au regard des standards de transparence attendus d’un haut responsable. En rouvrant la piste du blanchiment, EOCO entérine l’idée que l’affaire n’est pas close. Surtout, elle aura produit un effet durable : rappeler que, dans une démocratie soumise à rude épreuve économique, la crédibilité de l’État se joue autant sur la preuve que sur la procédure. L’enjeu dépasse une personne : il concerne la capacité des institutions à réduire l’« écart d’exécution » entre normes et pratiques, et à traiter l’inexpliqué non plus comme une fatalité, mais comme une anomalie investigable.